L’Érection

J’ai eu, à un moment donné de ma vie, des problèmes d’érection. Le désir est là, mais la peur d’échouer l’emporte, et le sexe reste désespérément mou. J’étais tellement focalisé sur le problème que j’en oubliais l’autre, devenais maladroit, me branlais en douce, ou me frottais sur ma partenaire, pour garder le signal, stimuler en continu, savoir en permanence l’état de mon sexe.

Stratégie doublement perdante !

Pourquoi ? Premièrement, parce que cette attitude entretient le stress et empêche de se laisser aller au plaisir et au désir. Deuxièmement, parce qu’on risque de perdre le désir du/de la partenaire qui ne peut s’empêcher de trouver notre attitude bizarre, et regrette qu’on ne s’occupe pas plus de lui/elle. Pour peu que la/le partenaire prenne le fiasco à son compte, il est ensuite difficile de remonter la pente, car on est désormais deux à devoir regagner confiance…

On tombe alors dans un cercle vicieux. Le stress empêche de réussir. Et l’échec alimente le stress en retour.

Une seule solution : ne plus stresser ! Plus facile à dire qu’à faire. Mais si j’écris cet article, c’est pour rassurer ceux qui pourraient penser qu’ils ont un problème mécanique. La plupart des hommes ont déjà eu des problèmes d’érection, même jeunes ! Et dans la plupart des cas, il s’agit seulement de se détendre, de renoncer à se mettre la pression.

Alors pourquoi parler de mécanique si le problème est essentiellement dans la tête ? Parce que l’ignorance de ce qui se passe dans le slip peut faire tirer des conclusions hâtives. Parce que l’érection est une mécanique complexe : autant la connaître pour mieux maîtriser les humeurs du sexe.

L’Érection : c’est quoi ?

La verge est constituée de trois corps principaux : deux corps caverneux, et un corps spongieux.

Corps caverneux, coupe longitudinale
Anatomie de la verge (images adaptée de Virag, Le sexe de l’Homme)
Corps caverneux, coupe transversale
Anatomie de la verge, coupe transversale

Les corps caverneux sont symétriques, et constituent la partie supérieure du sexe. On les appelle caverneux car ils contiennent de nombreuses cavités (nommées lacunes) capables de se gorger de sang. De véritables éponges ! Ces deux corps sont enveloppés dans une sorte de coque rigide, l’albuginée, capable de supporter une pression importante. Elle est composée de différents tissus qui glissent les uns sur les autres pour permettre l’allongement de la verge plutôt que son épaississement. C’est par ailleurs cette coque qui assure la rigidité. Sans elle, notre verge gonflerait comme un ballon de baudruche, grosse mais molle !

Moins poreux que les corps caverneux, le corps spongieux reste relativement mou au moment de l’érection, ce qui évite de comprimer l’urètre qui le traverse, canal d’évacuation de l’urine et du sperme. Vous pouvez toucher le dessous de votre sexe lors d’une érection : il est gonflé mais garde une certaine souplesse. Le gland fait partie de ce corps spongieux, il en est le prolongement. Il reste donc suffisamment mou, pour ne pas risquer de se blesser ou de blesser son/sa partenaire au moment de la pénétration, et pour assurer une certaine adaptabilité du pénis à des vagins de tailles différentes, s’écrasant au besoin.

Me vient l’image d’un sac à dos de randonnée. Dans le dos, deux armatures qui assurent la rigidité. De l’autre côté, une grande poche, capable de contenir de grands volumes, ou de s’aplatir à l’occasion.

Les scientifiques classent ainsi les pénis en deux catégories : les pénis de chair, et les pénis de sang. Les pénis de chair ont peu de lacunes. Ils peuvent être gros au repos, parce qu’ils sont charnus, mais grandissent peu à l’érection. À l’inverse, les pénis de sang peuvent être petits au repos, mais avoir des érections spectaculaires, car ils ont beaucoup de lacunes ! La taille au repos n’est donc pas proportionnelle à la taille en érection.

L’Érection : quand ?

Quand on dit qu’un sexe est au repos, ce n’est pas exactement vrai. De la même manière qu’une éponge boit automatiquement l’eau quand on la met à proximité d’un liquide, les corps caverneux se gorgeraient toujours si on leur en laissait la possibilité. Il y a donc des muscles qui jouent le rôle d’écluses pour empêcher l’arrivée de sang en temps normal. C’est seulement quand ces muscles se relâchent que le sang afflue. C’est l’érection !

Le sang est amené jusqu’à la verge par les artères, qui arrivent par le bas de la verge. Il en repart par les veines qui, elles, se situent sur le haut de la verge. Remplir la verge, c’est bien, mais encore faut-il que le sang reste. Comment ? Par un simple effet mécanique. En effet, une fois gonflés, les corps caverneux se dilatent, et viennent écraser les veines contre l’albuginée. Le sang ne peut plus s’échapper ! Les artères, elles, se sont dilatées pour augmenter le débit, et résistent de cette manière à l’écrasement. Belle mécanique, non ?

Lacunes vides : flaccidité
Corps caverneux au repos
Lacunes gorgées de sang : érection !
Corps caverneux en érection

En réalité, il faut quand même que le sang se renouvelle de temps en temps. C’est pourquoi on peut ressentir des détumescences partielles, des moments où l’on est un peu plus mou que d’autres au cours de l’érection. Pas de panique donc, il ne s’agit pas d’impuissance, ou d’une baisse du désir. Simplement un cycle normal qui empêche la stagnation du sang et, à terme, la nécrose.

L’éjaculation, elle, s’accompagne d’un signal chimique qui provoque le rétrécissement des artères, le retour à la normale.

Cette ouverture de l’écluse, c’est le cerveau qui la déclenche, par la production d’un signal chimique.

Peut-être avez-vous entendu parler du fait qu’on a observé des érections chez des personnes lynchées par pendaison ? C’est que la pendaison, en asphyxiant le cerveau, entraîne la production du même signal chimique que le désir sexuel, et génère une érection. Une étrangeté du corps qui a donné lieu à certains clichés racistes : le lynchage ayant été une pratique courante pour assassiner des noirs aux États-Unis, on en a déduit que ceux-ci étaient sexuellement très actifs.

Ou quand l’ignorance sert le racisme !

Pour aller plus loin :

Livres

Le sexe de l’homme, Ronald Virag, Editions Albin Michel

Tout savoir sur le sexe des hommes, Marc Galiano, Rica Etienne, Editions Marabout

Radio

Grand Bien vous fasse, France Inter, 20 juin 2022

Comment fonctionne et dysfonctionne le sexe de l’homme ?